Ma manip en photos : Elena Manfrini, doctorante à ESE

 15/07/2025

Ma manip en photos : Elena Manfrini, doctorante à ESE

E. Manfrini

Je m’appelle Eléna Manfrini, je suis actuellement en troisième année de thèse au laboratoire Ecologie Société Evolution   (équipe dynamique de la biodiversité et macro-écologie) sous la direction de Franck Courchamp, chercheur au CNRS   à l’ Université Paris-Saclay   et de Boris Leroy   , maître de conférences au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris. Certains de mes travaux sont menés en collaboration avec Pierre-Olivier Maquart du laboratoire EGCE   . Avant d’entreprendre ma thèse, j’ai obtenu une licence en biologie-santé, suivie d’un master en Biodiversité, Écologie et Évolution, avec une spécialisation en modélisation et dynamique des populations, à l’Université Paris-Saclay.

Dans un contexte de croissance démographique et de transition vers des systèmes alimentaires durables, l’élevage d’insectes s’impose comme une alternative prometteuse à l’élevage conventionnel. Leur production génère moins d’impacts environnementaux, offre un rendement protéique élevé et présente un double avantage, celui de fournir une source de nourriture humaine et animale, tout en valorisant les déchets organiques. Cette filière présente néanmoins un risque écologique majeur : les invasions biologiques. Ce phénomène, reconnu par l’ IPBES   comme l’un des cinq principaux facteurs de changement global, résulte de l’introduction par l’humain d’espèces hors de leur aire naturelle, qui s’établissent, se multiplient et induisent des dommages importants sur la biodiversité et notre société.

Ma thèse évalue le risque d’invasions biologiques lié à l’élevage d’insectes. Pour souligner l’importance de prendre en compte ce risque, je commence par une synthèse des invasions causées par l’élevage des crustacés en aquaculture, ces derniers constituant le groupe taxonomique le plus proche des insectes parmi les espèces élevées. Dans un second temps, j’identifie les espèces d’insectes comestibles les plus susceptibles de devenir envahissantes, en comparant les traits d’histoire de vie d’espèces natives et invasives. Pour cela, j’ai constitué, avec une vingtaine de chercheur·euses, une base de données de 5 877 espèces appartenant à six ordres (Coléoptères, Lépidoptères, Hémiptères, Hyménoptères, Orthoptères et Isoptères), décrites par 31 traits fonctionnels. J’analyse ensuite ces données à l’aide d’approches statistiques et d’algorithmes d’apprentissage supervisé. J’explore également les zones à risque d’invasion pour les espèces élevées à grande échelle via des modèles de distribution (SDM). Enfin, j’établis un lien entre les principaux concepts écologiques favorisant les invasions biologiques et les pratiques d’élevage d’insectes et je propose des mesures de biosécurité pour prévenir ces invasions.

Caractérisation des espèces comestibles à potentiel invasif : Je montre que les espèces invasives proviennent majoritairement des régions sino-japonaise et orientale. Elles se caractérisent par un cycle de vie holométabole, un comportement agressif, une ponte continue des œufs, ainsi qu’une large aire de répartition et une forte tolérance aux variations climatiques (température et humidité). Parmi les 1 033 espèces évaluées, j’ai identifié 58 espèces natives présentant des caractéristiques proches de celles des espèces invasives. Ces résultats suggèrent que ces espèces – composées d’Hyménoptères (n = 22), de Coléoptères (n = 20) et de Lépidoptères (n = 16) - pourraient devenir envahissantes si elles étaient élevées en dehors de leur aire de répartition naturelle.

Cartographie du risque d’invasion des espèces : Je montre que les sept espèces actuellement élevées à grande échelle présentent un fort risque d’invasion aux Caraïbes, en Amérique du sud, en Europe centrale et occidentale, ainsi qu’en Océanie. Par exemple, la mouche soldat noire représente une menace importante pour les Caraïbes et l’Amérique du Sud, tandis que le ténébrion meunier et le criquet domestique posent un risque accru pour l’Europe centrale et occidentale. Enfin, j’ai mis en évidence que la majorité des élevages d’insectes actuels (entre 80 % et 90 % selon les espèces) étaient situés dans des zones à risque moyen à fort d’invasion.

Cette figure représente la répartition du pourcentage de zones à haut risque d’invasion par sous-région pour sept des principales espèces d’insectes d’élevage : la mouche soldat noire (Hermetia illucens), le ténébrion meunier (Tenebrio molitor), le grillon domestique (Acheta domesticus), le petit ténébrion mat (Alphitobius diaperinus), la mouche domestique (Musca domestica), le grillon domestique tropical (Gryllodes sigillatus) et le criquet migrateur (Locusta migratoria).

Ci-dessus, trois des espèces d’insectes les plus élevées dans le monde (de gauche à droite) : la mouche soldat noire (Hermetia illucens), le grillon domestique (Acheta domesticus) et le ténébrion meunier (Tenebrio molitor). Les larves de la mouche soldat noire et du ténébrion meunier sont plus couramment utilisées pour la consommation que les adultes.

Pour me contacter : elena.manfrini @ universite-paris-saclay.fr