Caractérisation des interactions plante-plante et de leurs bases génétiques : le cas de l’association haricot-maïs en Europe

Soutenance de thèse
06/03/2025
13:30:00
Noa Vazeux-Blumental, GQE-Le Moulon
IDEEV - Salles Franklin et Carlson
Le jury sera composé de :
- Laurent BEDOUSSAC (Professeur, ENSFEA, UMR AGIR), examinateur
- Cécile BERTHOULY (Directrice de recherche, IRD, UMR DIADE), rapportrice et examinatrice
- Isabelle GOLDRINGER (Directrice de recherche, INRAE, UMR GQE-Le Moulon), examinatrice
- Anne LAPERCHE (Professeure, Institut Agro Rennes-Angers, UMR IGEPP), rapportrice et examinatrice
- Germain MONTAZEAUD (Chargé de recherche, INRAE, UMR AGAP), examinateur
- Jacqui SHYKOFF (Directrice de recherche, CNRS, UMR ESE), examinatrice
Mots clés : Agroécologie - Association haricot-maïs – Interactions plante-plante – GWA
Résumé :
L’association du maïs (Zea mays ssp. Mays) et du haricot commun (Phaseolus vulgaris) est un élément clé du système de polyculture vivrière le plus emblématique de la Mésoamérique connu sous le nom de milpa. Son succès repose sur des avantages bien décrits, tels que de meilleurs rendements et une résilience face aux stress biotiques et abiotiques, permettant au système de rester productif dans des conditions de faibles intrants. Ces bénéfices sont attribués à des interactions positives entre les deux espèces, dues à la complémentarité de leurs systèmes aériens et racinaires, ainsi qu’à des processus de facilitation directs et indirects, impliquant des symbioses bactériennes (par la formation de nodules racinaires) et le réseau mycorhizien. Bien que l’association maïs haricot ait été couramment pratiquée en Europe, elle a été remplacée par la monoculture de maïs, excepté dans certaines régions comme la Transylvanie. Récemment, l’association maïs haricot a été réintroduite, en utilisant des variétés modernes en agriculture conventionnelle. Durant ma thèse j’ai caractérisé les interactions maïs-haricot et leurs bases génétiques avec trois objectifs spécifiques.
Le premier objectif était de comparer les cultures seules et associées dans un système agricole moderne dans le sud-ouest de la France, afin de tester l’impact de l’association sur les rendements, la valeur nutritionnelle, le microbiote racinaire et les phénotypes moléculaires. J’ai montré une diversité bactérienne accrue en culture associée, ainsi que des différences agronomiques significatives, avec un effet dominant de la compétition qui a négativement affecté le rendement du haricot tout en augmentant la taille des graines et les pourcentages d’azote et de carbone. Via l’analyse du transcriptome, j’ai confirmé que la compétition affectait principalement le haricot, avec près de 30 % des gènes différentiellement exprimés détectés chez le haricot, mais aucun chez le maïs. Ces résultats suggèrent que les synergies potentielles entre les deux cultures ne sont pas mises à profit dans les systèmes modernes.
Le second objectif était d’évaluer la réponse phénotypique du haricot à différents environnements « maïs », en recherchant les bases génétiques des interactions entre les deux espèces. Des essais agronomiques multi-sites et multi-années ont été réalisés avec trois variétés de maïs et 200 lignées de haricot. Les haricots ne présentent pas de patron clair d’adaptation locale, mais nous avons pu distinguer les haricots sur la base de la variété de maïs auxquelles ils étaient associés, indiquant que les variétés de maïs représentent des environnements distincts pour le haricot. Les analyses ont également révélé des corrélations négatives entre la plupart des caractères du maïs et du haricot, indiquant plutôt une compétition entre espèces ; en revanche une corrélation positive entre la date de floraison du maïs et le rendement du haricot a été observée pour toutes les variétés de maïs. Les meilleurs partenaires maïs-haricot dépendaient de l’année, du site et de la variété de maïs. J’ai ensuite combiné les résultats des associations génomiques (GWA) dans une analyse meta-GWA contrastant les variétés de maïs afin de cartographier les déterminants génétiques de l’interaction maïs-haricot sur le génome du haricot. J’ai identifié des locus pour 17 des 18 caractères mesurés.
Le troisième objectif était d’examiner comment différentes variétés de maïs influencent l’architecture racinaire du haricot, son développement et la formation de nodules racinaires. Les expérimentations réalisées pour la GWA ont été utilisées pour phénotyper des caractères racinaires sur un sous-ensemble de 38 lignées de haricot dans l’un des deux sites. Bien que les facteurs abiotiques (site, année) influencent fortement l’architecture racinaire des deux espèces, certains caractères en lien avec la surface et les angles racinaires distinguaient les haricots cultivés sur les différentes variétés de maïs –sans effet sur l’abondance des nodosités. Nous discutons des perspectives de ce travail pour la sélection de variétés favorisant les synergies entre les espèces dans un contexte de transition agroécologique.