Pourquoi des acteurs de la recherche ne soutiennent pas tous une nouvelle législation européenne sur les OGM ?

 01/03/2024

Pourquoi des acteurs de la recherche ne soutiennent pas tous une nouvelle législation européenne sur les OGM ?

L’Institut Diversité, Ecologie, Evolution du Vivant regroupe des scientifiques de plusieurs unités de recherche qui travaillent sur l’origine et le maintien de la biodiversité, sur l’impact des activités anthropiques sur celleci, sur les mécanismes moléculaires de l’évolution et sur la réponse du vivant aux changements environnementaux. Ils souhaitent exprimer leur perplexité sur la façon dont le CNRS communique au sujet des NTG (Nouvelles Technologies Génomiques).

Deux jours avant le vote des eurosdéputés, l’INSB a invité les scientifiques de ses unités de recherche à participer à la campagne de l’ONG WePlanet (« ONG éco-moderniste » qui milite pour le nucléaire, les OGM et le développement de l’alimentation cellulaire), en leur transmettant les éléments de communication concoctés par l’organisation (Le Monde du 9 février). Le même jour, le CNRS explicite sa position institutionnelle dans le webjournal CNRS Info à travers un article intitulé « Pourquoi des acteurs de la recherche soutiennent une nouvelle législation européenne sur les OGM ? ». Dans cet article, il transparaît que le CNRS ne s’exprime pas au nom de l’ensemble des scientifiques du CNRS et ne représente pas la diversité des opinions ni la diversité et la complexité des situations à traiter.

Le CNRS ne s’exprime pas sur des aspects scientifiques d’une technique, mais sur un choix politique d’un modèle de société. Par exemple l’argumentaire est « fondé sur l’émergence, depuis 2018, d’une révolution récente en biologie qui pourrait permettre de réduire considérablement l’utilisation de pesticides et d’engrais dans l’agriculture, tout en renforçant la sécurité alimentaire. ». Il n’y a pas de mise en contexte ni de mention de propositions alternatives. Aucune référence par exemple à l’avis de l’Académie des Technologies qui propose une régulation et un traitement au cas par cas, où l’avis de l’ANSES très négatif sur la typologie proposée pour les NTG et qui pointe notamment l’insuffisance des justifications scientifiques. Rien n’est dit non plus sur l’épineuse question des brevets qui a été discutée par les eurodéputés.

Surtout, les scientifiques de l’IDEEV regrettent profondément qu’une fois de plus, la solution technologique soit présentée comme l’unique solution. Les innovations biotechnologiques, compatibles avec le mode actuel de structuration des filières agricoles sont systématiquement mises en avant au détriment des innovations venant de l’écologie et l’évolution qui préconisent un changement profond de système et une restructuration des filières. Pourtant, de nombreux progrès ont été obtenus récemment sur des approches agroécologiques. Des solutions alternatives proposées par les écologues pour de nombreuses cultures permettent aux agriculteurs de mettre en oeuvre des méthodes de luttes biologiques et de diversification des cultures. Les généticiens utilisent des méthodes de sélection classiques pour proposer aujourd’hui de nouveaux types de variétés (mélanges, populations, associations d’espèces) plus résilientes car plus diversifiées. Il est vrai que ces innovations en agroécologie visent à assurer une autonomie pour les agriculteurs et rompre leur dépendance financière à l’agro-industrie.

Les choix de stratégies agricoles à mettre en oeuvre sont des choix de société sur lesquels les organismes scientifiques doivent apporter des éclairages mais non des opinions.

Les scientifiques du groupe IDEEVERTE, Jacqui Shykoff, directrice de l’IDEEV, Nathalie Frascaria-Lacoste, directrice de l’UMR Écologie, Systématique et Évolution (ESE) , Laure Kaiser-Arnauld, directrice de l’UMR Evolution Génomes Comportement Ecologie (EGCE) , Christine Dillmann, directrice de l’UMR Génétique Quantitative et Evolution (GQE)

Le groupe IDEEVERTE regroupe des scientifiques de l’IDEEV qui s’interrogent sur les pratiques et les missions des scientifiques dans le cadre des urgences environnementales, incluant leur rôle sociétal.